Après la déception des annulations, les voyageurs ont dû faire face au silence des compagnies aériennes et à leur réticence à rembourser les sommes dues. Parfois, le seul fait d’introduire sa demande de remboursement relève du parcours du combattant…
Les voyageurs qui n’ont pas encore été remboursés se sont vu imposer des vouchers[1] ou sont toujours en attente d’une réaction de la compagnie aérienne.
Dans ce cas, que faire ? Comment et quand réagir pour obtenir un remboursement ?
Il faut tenir compte de plusieurs facteurs, notamment du type de voyage.
- Vols « secs » ou voyage à forfait ?
Un vol « sec » est un billet d’avion réservé sans autres services annexes tandis qu’un voyage à forfait comprend plusieurs prestations, réservées en principe auprès d’une seule entité (vols + hôtels, par exemple, ou croisières). Ces deux types de voyage sont soumis à des dispositions légales différentes.
La présente contribution se penche uniquement sur la question de l’annulation des vols « secs ».
2. Quel est le droit applicable ?
Le droit européen protège les passagers dont les vols ont été annulés[2]. Mais pouvez-vous l’invoquer ?
Vous pouvez invoquer le droit européen dans deux cas de figure :
- Votre vol devait décoller d’un aéroport situé dans l’Union européenne ;
- Votre vol, en partance d’un Etat situé en dehors de l’Union européenne, devait atterrir dans l’Union et est assuré par un transporteur communautaire[3].
Si le droit européen est applicable, sachez que le règlement 261/2004 met à charge des compagnies aériennes des obligations vis-à-vis de leurs passagers en cas d’annulation ou de retard important des vols, notamment l’obligation de rembourser les billets dans un délai de sept jours et d’offrir une prise en charge[4] (des rafraichissements, un hébergement à l’hôtel s’il faut patienter une ou plusieurs nuits, le transport entre l’aéroport et l’hôtel, etc.).
Dans certains cas, les passagers peuvent même solliciter une indemnisation de plusieurs centaines d’euros (entre 250 et 600 € selon la distance)[5].Cette possibilité n’est toutefois pas applicable pour les annulations dues à la pandémie, dès lors qu’il s’agit de circonstances extraordinaires inévitables.
Outre l’application du droit européen, qui prévoit un socle de règles communes, il faut également déterminer le droit national applicable. Là encore, cela dépendra de plusieurs facteurs (lieu de décollage / atterrissage, clause spécifique prévue dans les conditions générales, etc.) et nécessite une analyse au cas par cas.
3. Quand faut-il réagir ?
En droit belge, le transport de personnes est soumis à une prescription d’un an[6]. Cela signifie qu’à défaut d’accord amiable avec la compagnie aérienne, les passagers disposent d’un délai d’un an pour faire valoir leurs droits à l’encontre de la compagnie qui resterait en défaut de rembourser les vols annulés. Ce délai varie selon le pays (et donc selon le droit applicable), car le règlement européen 261/2004 n’a pas harmonisé les délais de prescription.
Si vous n’avez reçu aucun voucher, ni aucun engagement écrit de la part de la compagnie aérienne concernant le remboursement par exemple, il convient d’être très attentif à ce délai et d’agir avant son écoulement afin d’interrompre la prescription (en entamant une action judiciaire ou en envoyant une mise en demeure d’avocat, notamment).
A contrario, si vous avez reçu un voucher et/ou un engagement écrit de la part de la compagnie aérienne, ces éléments peuvent être invoqués comme étant des causes de suspension ou d’interruption de la prescription. Vous bénéficiez dans ce cas d’un délai complémentaire pour agir, au cas où, malgré les promesses faites, aucun remboursement n’intervient.
4. Où agir ?
Le lieu pour introduire une procédure judiciaire dépend du lieu de décollage ou d’atterrissage de votre vol. Le cas échéant, vous pouvez également assigner la compagnie aérienne devant les tribunaux de son siège social.
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La Commission européenne a déclaré le 1ier mars dernier enquêter sur les pratiques des compagnies aériennes et menacé celles-ci de sanctions financières. Malgré cette annonce, les remboursements se font toujours attendre.
Les premières annulations de vols ayant eu lieu en mars 2020, dans de nombreux cas, si le droit belge est applicable, la prescription approche à grands pas. Soyez vigilants et vérifiez la date effective d’annulation des vols concernés.
Si vous disposez d’une assurance protection juridique, celle-ci peut vous assister dans le cadre des démarches à réaliser et couvrir les éventuels frais d’avocat à exposer, notamment pour déterminer le droit applicable, la juridiction compétente et le délai de prescription. Dans tous les cas, veillez à vous entourer de personnes compétentes pour éviter de mauvaises surprises.
Julie Neuray et Claire Vandesande
Avocats
Henry & Mersch
[1] En Belgique, les vouchers ou bons à valoir, dont la légitimité pose question, sont émis sur base de l’arrêté ministériel du 19 mars 2020 relatif au remboursement des voyages à forfait annulés. En principe, ces bons à valoir ne peuvent pas être émis pour les vols secs qui ont été annulés.
[2] Règlement (CE) 261/2004 du 11 février 2004 du Parlement européen et du Conseil établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91
[3] Considérant 6 du règlement (CE) 261/2004
[4] Articles 5, 6 et 8 du Règlement (CE) 261/2004
[5] Article 7 du Règlement (CE) 261/2004
[6] Article X.49 du Code de Droit Economique. Cet article est valable pour tout transport de personnes (par avion, autocar, train, etc.). Les voyages à forfait qui sont réglementés par d’autres dispositions bénéficient d’une prescription de deux ans, en droit belge.