En premier lieu, il est opportun de rappeler que, outre le contrôle effectué par les réseaux sociaux eux-mêmes (parfois déficient…), l’espace virtuel est réglementé et les utilisateurs doivent respecter la législation en vigueur.
A titre d’exemple, en Belgique, même sous couvert d’anonymat ou derrière son écran d’ordinateur, la diffamation, la calomnie et l’injure sont interdites lorsqu’elles revêtent un caractère public (articles 443 et 448 du Code Pénal), de même que le harcèlement (sans qu’un caractère public soit requis, article 442 bis du Code Pénal).
De plus en plus de personnes réagissent d’ailleurs à ce genre d’attaques et portent plainte (à juste titre !).
Le caractère public est essentiel pour condamner un tel comportement. Il faut donc s’interroger sur l’aspect public ou privé d’une page sur un réseau social.
Mon compte personnel est-il un espace public ? Ou s’agit-il d’une sphère privée, où je peux jouir d’une plus grande liberté ?
En tant qu’employé puis-je dénigrer mon employeur sur un réseau social et en tant qu’employeur, comment réagir si je découvre de tels agissements ?
Rien n’interdit à un travailleur de faire part de son mécontentement vis-à-vis de son employeur, dans la sphère privée, même dans des termes virulents. Néanmoins, si un travailleur s’épanche sur un réseau social alors qu’il a de nombreux de contacts et que sa publication bénéficie d’une visibilité importante (notamment via des partages, des like, etc.), il y a lieu de considérer qu’il s’agit d’une communication publique. Dans ce cas, en tant qu’employeur, vous n’êtes pas sans ressource.
La Cour du Travail de Bruxelles a notamment jugé que l’absence de publicité de certains messages publiés sur une groupe de discussion Facebook et l’absence de volonté de rendre ces messages publics doivent être pris en compte pour déterminer si ils ont pu porter atteinte à l’entreprise[1] (et donc, éventuellement constituer un motif de licenciement). A l’inverse, des échanges électroniques sur Facebook, dans un groupe accessible à des membres du personnel, peuvent justifier un licenciement pour motif grave, dès lors qu’ils sortent du cadre privé[2].
En 2017, la Cour du Travail de Liège a confirmé que les « like » d’un employé sur des réseaux sociaux peuvent constituer un motif de licenciement pour faute grave si ceux-ci portent atteinte à l’entreprise[3]. Dans cette affaire, les agissements de l’employé sur les réseaux sociaux ont donc été considérés comme ayant été réalisés en public.
Il existe de nombreux exemples en ce sens. Il faut toutefois rester attentif aux dispositions spécifiques du droit social qui restent applicables, même en cas de faute « virtuelle ». Agir rapidement et se ménager la preuve de la faute restent essentiel.
Quid d’une page professionnelle d’une entreprise ou d’un groupe (privé ou public) géré par une entreprise ? L’entreprise a alors une responsabilité en tant qu’administrateur de la page ou du groupe. Elle doit nommer des modérateurs qui seront en charge de vérifier le contenu et, le cas échéant, de supprimer les publications offensante. L’entreprise qui ne prend pas les mesures nécessaires et ne réagit pas, si un contenu offensant lui est signalé par exemple, peut être tenue responsable et être condamnée (sur le plan pénal et civil).
Pour limiter les risques, il est conseillé de rédiger une charte reprenant les droits de chacun, indiquant ce qui est interdit, etc. qui sera publiée sur la page ou sur le groupe et portée à la connaissance de chacun des nouveaux membres.
Bien entendu, le contenu offensant et les dérives de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux sont les excès le plus visibles. Mais d’autres problématiques concernent les entreprises : la fraude (page piratée, nom usurpé, etc.), le plagiat (intentionnel ou non), etc. Ces aspects seront abordés prochainement.
Au vu des excès constatés quotidiennement, il est opportun de rappeler qu’il faut rester modéré, en ce compris sur internet et que les entreprises qui utilisent les réseaux sociaux doivent également tenir compte des aspects légaux pour leur gestion et leur encadrement (en ce compris vis-à-vis de leurs travailleurs).
[1] Cour du travail de Bruxelles (2e ch.), 04/03/2010, R.D.T.I., 2012/1, n° 46, p. 73-78.
[2] Trib. trav. Namur (2 ech.), 10/01/2011, J.T.T., 2011/28, n° 1112, p. 462-463.
[3] Cour trav. Liège (division Liège, 3e ch.), 24 mars 2017, 2016/AL/94, R.D.T.I., 2018/2, p. 107-114.